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Repenser la souveraineté alimentaire suite à la crise sanitaire

Webinaire organisé par Agreenium et Demeter, le 20 mai 17h30
Compte-rendu Hugues JURICIC

Jean-François Loiseau (Coop de France) : Les filières agroalimentaires se sont organisées pour faire face et répondre à la nécessité de maintenir la production et la distribution des produits agricoles, en France et à l’étranger. Cela signifie de prendre soin à tous les maillons de la chaîne, le système d’information, la logistique, la maintenance, le conseil et l’appui technique aux agriculteurs etc. avec la préoccupation de maintenir le financement alors que certaines activités étaient impactées directement pas la crise et le confinement.

Philippe Mauguin (INRAE) : L’INRAE a été finalement relativement prêt pour réduire ses activités de laboratoire et développer le télétravail. Les animaleries et le matériel végétal ont été bien entendu préservés, mais les expérimentations ont été ralenties voire stoppées. Les labos ont été mobilisés pour travailler sur le covid, avec notamment un mouvement de solidarité à destination des hôpitaux (ex. masques). Il y a beaucoup de partenariat avec les entreprises, et l’on peut se poser des questions sur l’état économique à la sortie de la crise.

Sébastien Abiss (DEMETER) : La crise a rappelé à la société que l’alimentation était un besoin vital. Il y a eu une prise de conscience que les agriculteurs et les filières agroalimentaires ont permis de garantir la sécurité alimentaire. Il est important de prendre conscience qu’en temps ordinaire le secteur agricole et alimentaire en France fonctionne bien, et aussi en temps extraordinaire. L’offre alimentaire est diversifiée, de qualité et sécurisée.
Le confinement a révélé des fractures. La précarité alimentaire s’est accentuée. Manger à la maison n’est pas toujours évident. Et à l’opposé, de nombreux consommateurs désirent manger mieux et plus diversifiés. Notons que les territoires ruraux se sont trouvés plus isolés du fait de la fracture numérique et d’une offre de service de livraison à domicile moindre. Les alimentations de qualité, made in France, risquent d’être réservé à la population la plus aisée, avec une marginalisation de la population la pauvre qui ne pourra que consommer avec moins de qualité et à prix plus abordable.

JF Loiseau : L’enjeu est de trouver un modèle de production durable qui garantisse une sécurité de l’alimentation, en qualité et quantité, respecte l’environnement et rémunère tous les acteurs de la filière. La notion de souveraineté apparaît comme excessif. L’organisation agricole et alimentaire doit permettre de produire en quantité et en qualité. On doit produire de moins en moins carboné ou chimique, mais cela ne peut s’opérer de façon abrupte et radicale. Toute la chaîne de la terre jusqu’au réfrigérateur doit être regardée. La souveraineté alimentaire ne peut être conçue comme une indépendance. Nous avons besoin d’échanger. Il s’agit de produire dans les pays tiers dans le respect des producteurs et de l’environnement. La France agricole peut être forte, résiliente et sans doute, en aucun cas, repliée sur elle-même.

Ph Manguin : La recherche va être impactée par le covid. Le développement du numérique bien entendu mais trois sujets forts de recherche émergent.
1ère thème : la zoonose. Près de 75% des maladies humaines ont une origine animale, dont 60% viennent de la faune sauvage. Il y a de ce fait un lien avec la déforestation et la régression de la biodiversité et la zoonose. Les liens devraient se resserrer entre les différents réseaux de rechercher à l’échelon mondiale.
2ème thème : la résilience des systèmes alimentaires. On a craint au début pour les circuits courts notamment. Il y a même eu quelques pénuries dues au comportement des consommateurs. Les filières se sont adaptées, des solidarités nouvelles sont apparues et les consommateurs ont réagi avec agilité. Les systèmes alimentaires ont été résilients, sans doute grâce à la multiplicité des canaux de distribution. Il faut toutefois s’inquiéter de la précarité alimentaire, en France mais aussi dans le Monde. On n’est pas aussi à l’abri d’une crise majeure de l’offre, du fait d’une pénurie de production qui ne permettrait pas répondre aux besoins alimentaires.
3ème thème : la souveraineté alimentaire. Cela ne peut se résoudre par une autarcie et un repli sur soi. Néanmoins, il faut s’assurer d’avoir les stocks et une capacité de production suffisant lors d’une crise majeure. Et cette question doit être posé à l’échelon des continents, tant en Europe qu’en Afrique. La question de l’alimentation animale est également posée, en devant regagner de l’indépendance vis-à-vis des importations comme le soja, dont la production pose de graves questions environnementales. La souveraineté alimentaire doit aussi être solidaire et durable, respectueuse de l’environnement. En particulier on doit aussi aider l’Afrique à obtenir sa souveraineté alimentaire, durable et solidaire.

S. Abyss : La souveraineté signifie pour un pays d’avoir la capacité à organiser sur son territoire avec toutes les parties prenantes la sécurité alimentaire, en période ordinaire et aussi extraordinaire. Cela signifie de préserver le système de production, avec le renouvellement des générations. La souveraineté doit aussi se concevoir à l’échelon européenne (voir la stratégie de la ferme à la fourchette qui était présentée hier à Bruxelles). La souveraineté doit aussi être solidaire à l’international. L’écosystème national, les filières, l’enseignement agronomique, la recherche, doit savoir se mobiliser pour promouvoir à l’international le modèle français de production, de recherche-développement au service de la production. En aucun cas, la souveraineté n’est un repli soi.
https://www.lopinion.fr/edition/economie/covid-19-va-t-il-faire-derailler-chaines-alimentaires-mondiales-215365

Quelques idées fortes pour l’avenir :
On ne peut pas découper les sujets : adaptation aux changements climatiques, sécurité alimentaire en quantité et qualité, transition énergétique, biodiversité, revenu des agriculteurs.
Il y a des pistes de solution. Il est possible de promouvoir un système agricole et alimentaire, durable, respectueux de l’environnement et solidaire.
Le plus grand danger du post covid est le repli nationaliste. On a plus que jamais besoin de coopération, de multilatéralisme, d’échanges au niveau planétaire tout en s’assurant, chacun à son niveau de la sécurité alimentaire.