La réforme de la formation professionnelle initiée par la loi Avenir professionnel de 2018, apparait très prometteuse pour accompagner la mutation structurelle de l’économie, en permettant aux entreprises et aux salariés d’acquérir les compétences nécessaires à cette mutation. Elle pose toutefois question sur quelques points cruciaux pour atteindre véritablement son objectif de développement des compétences accessibles à toutes et tous.
Alors que la réforme de la formation vise à augmenter la formation professionnelle des salariés les moins qualifiés et celle des salariés des petites entreprises, celles-ci, précisément au niveau budgétaire, ne sont-elles pas les délaissées de la réforme, en quelque sorte la dernière roue du carrosse ?
Les dépenses de formation continue des salariés du secteur privé sont de plus en plus à la seule initiative des entreprises.
Dans la réforme initiée en 2018, seules les entreprises ayant moins de 50 salariés se tourneront vers l’OPCO pour le financement des formations de leur salariés. C’est dire que la part du budget de la formation au titre du plan de formation qui sera gérée par les OPCO (ex-OPCA) sera plus faible encore que la part gérée directement par les entreprises.
Aussi, le volume des dépenses pour la formation des salariés (hors apprentissage, professionnalisation, CIF et DIF-CPF) est d’environ 2,8 Mds € pour les entreprises de moins de 50 salariés contre 10,4 Mds € pour les plus grandes, l’écart s’expliquant par le taux d’accès moyen à la formation d’un peu moins de 20% dans les entreprises de moins de 50 salariés alors qu’il est d’un peu plus de 50% dans les plus grandes, soit 2,5 fois plus dans les entreprises ayant 50 salariés et plus.
En prenant comme indicateur les dépenses financées sur les fonds collectés par les OPCA en 2018, le volume des dépenses pour la formation au titre du plan de formation concernant les entreprises de moins de 50 salariés, est encore plus faible, 0,6 Mds pour 1,35 millions de stagiaires pour un nombre de salariés
Si l’on souhaite mettre à niveau la formation des salariés au titre du plan de formation des entreprises ayant moins de 50 salariés, il faudrait augmenter de façon très substantielle le niveau des dépenses, qu’elles soient financées directement par les entreprises ou via la mutualisation des versements obligatoires.
En prenant comme base de calcul, l’effectif de 10,7 millions de salariés des entreprises ayant moins de 50 salariés, le taux d’accès la formation de 50% qui est celui des salariés des entreprises ayant plus de 50 salariés et un coût moyen de 2000 € par stagiaire, il faudrait un budget de 10,7 Mds € ! Loin des 2,8 Mds € estimés pour les dépenses des entreprises de moins de 50 salariés estimés par le CEREQ en 2014 et encore plus loin des dépenses financées par les OPCA en 2018 (0,6 Mds €), et plus loin encore du budget prévu par France Compétences pour les OPCO pour financer le plan de formation des entreprises ayant moins de 50 salariés en 2020 qui est de 0,48 Mds €…
Cela signifie-t-il que les entreprises ayant moins de 50 salariés vont développer massivement la formation en alternance au moment de l’embauche, et que les salariés vont massivement avoir recours au CPF pour se professionnaliser, pour acquérir les compétences dont les salariés et les entreprises ont besoin dans le contexte d’une part des difficultés de recrutement, et d’autre part de la révolution numérique, de la transition énergétique et de la constante mise aux normes HSQE ? On peut avoir de grandes craintes.
Il devient urgent d’investir massivement au niveau des branches, des OPCO mais aussi des organismes de formation pour d’une part, accompagner les entreprises dans leurs pratiques d’embauches pour y intégrer la formation préparatrice à l’emploi et l’alternance, et pour d’autre part, accompagner les salariés pour utiliser leur CPF. Pour ce faire, il est sans aucun doute urgent d’assouplir et rendre plus accessible les formations certifiantes, notamment en décomposant les certifications en « briques » et non pas en « blocs » de compétences ainsi qu’en diversifiant les modalités de formation (AFEST, distanciel mixé avec le présentiel, VAE sous toutes ses formes…), afin de proposer des parcours de professionnalisation dans tous les métiers.
Hugues JURICIC le 12 février 2020
Une réflexion au sujet de « La réforme de la formation professionnelle et les petites entreprises (II) »
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