Les français sont-ils insatisfaits ou, au contraire, satisfaits de leur situation professionnelle ?
La réponse serait qu’ils sont plutôt satisfaits, voire très satisfaits contrairement à ce qu’ils peuvent dire de la société en général.
Abondamment commenté dans les médias, le dernier sondage en date mené par Gallup sur la motivation des salariés a fait grand bruit : à en croire l’institut, seuls 6 % des employés français s’affirment engagés au travail. Un taux qui en fait les salariés les moins motivés d’Europe. Particularités culturelles, chômage élevé, management paternaliste… toutes sortes d’arguments ont été avancés par des experts en ressources humaines afin de cerner l’origine de ce « mal français ».
Mais un nouveau sondage mené par Korn Ferry vient battre en brèche ce constat. Le cabinet de conseil a tenté, à son tour, de mesurer la motivation des salariés français. Et les résultats de son enquête sont nettement moins alarmants que le sondage réalisé par Gallup. Ainsi, 74 % des salariés français interrogés par Korn Ferry déclarent avoir de l’intérêt pour leur travail – un taux stable depuis cinq ans – et 75% déclarent éprouver de la « fierté » à travailler pour leur entreprise. (source : Le Monde 12 avril 2019)
Est-ce la sempiternelle problématique de la manière dont la question est posée ? Le contexte (quand, où est posé la question, avant quelles autres questions ?) n’induit-il pas des réponses à une même question qui peuvent être très variables?
D’un côté le sondage Gallup confirme que les français manifestent facilement leur mécontentement, mais de l’autre, le sondage Korn Ferry indique bien qu’en final, les français sont plutôt satisfaits de leur sort quand on les interroge sur leur situation propre, en particulier.
Les enquêtes récurrentes de l’INSEE (Enquêtes Statistiques sur les revenus et les conditions de vie (SRCV) de 2010 à 2017) indiquent que moins de 8% des français donne une note d’insatisfaction concernant leur emploi, et 71% donne une note de satisfaction (de 7 à 10 sur 10). Cette relative satisfaction diminue, elle était de 75% en 2010, mais cela montre une relative satisfaction vis-à-vis du travail qui corrobore les résultats du sondage de Korn Ferry.
Autre étude qui va dans le même sens : l’étude DEFIS réalisée par le CEREQ.
Même si celle-ci n’a pas pour sujet la satisfaction vis-à-vis de l’emploi, mais les parcours professionnels et la formation, il est donné une indication de la satisfaction des actifs salariés vis à vis de leur situation professionnelle selon leur parcours.
Ainsi 80% des salariés sont globalement satisfaits de leur situation professionnelle. Pour 1/3 d’entre eux, la situation n’a pas évolué entre 2014-2017, mais ils sont satisfaits du travail où leurs qualifications et compétences sont correctement utilisées, et les conditions de travail satisfaisantes. Pour les autres 2/3, en plus de conditions de travail satisfaisantes et d’une bonne utilisation des compétences, il y a eu en sus une évolution de l’emploi qui s’est traduit pas une hausse de niveau de responsabilité, d’autonomie, d’intérêt du travail, avec augmentation de salaire. Ainsi pour 80% des français, qu’il y ait eu une évolution ou pas de leur emploi, la situation professionnelle est globalement satisfaisante.
En revanche, pour 20% des salariés, le parcours professionnel est moins satisfaisant. Le travail est déclaré pénible, répétitif, perçu comme peu rémunéré, ne correspondant pas aux qualifications ou sous-utilisant les compétences. Pour 40% d’entre eux (8% des salariés), le parcours est défini comme « heurté » avec un changement de fonction, de poste ou d’établissement, correspondant à une baisse du niveau de responsabilité, d’autonomie, d’intérêt du travail et/ou à des conditions de travail dégradées. Pour ces 20% de salariés, la situation professionnelle est considérée, on peut aisément le comprendre, comme insatisfaisante.
De ces 3 études (Sondages Korn Ferry, Enquêtes SRCV de l’INSEE, Enquêtes DEFIS du CEREQ), il ressort bien que 75% à 80% des salariés sont plutôt satisfaits de leur travail, seulement 20% plutôt insatisfaits, et 7 à 8% très insatisfaits.
On est très loin des résultats du sondage GALLUP.
Ce qui est intéressant de souligner est que la satisfaction sur la situation professionnelle, n’est pas dominée par la question de la rémunération, mais semble-t-il assez largement par la bonne utilisation des qualifications et des compétences, par la progression vers plus d’autonomie, de responsabilité, et d’intérêt du travail. La valorisation du travail n’est pas (uniquement) une question monétaire : la qualité de vie au travail, la reconnaissance du client, de la hiérarchie et des collègues, la possibilité d’évoluer, de progresser… sont des éléments qui comptent (aussi).
Hugues JURICIC, le 12 avril 2019
Télécharger le note Bref du CEREQ sur les résultats de l’enquête DEFIS : Bref374-web