L’ADEME a publié un document en 2014 « Carbone organique des sols, l’énergie de l’agroécologie, une solution pour le climat » très intéressant qui est relativement passé inaperçu alors que le monde agricole était mobilisé par la préparation des Programmes de Développement Rural dans toutes les régions. Or le PDR qui met en œuvre le FEADER Fonds européen pour l’Agriculture et du Développement Rural, pour 7 ans (il était alors question de la programmation 2014-2020) avait bien pour objectif stratégique de lutter contre le réchauffement climatique induit par les émissions du gaz à effet de serre. Mais l’attention a été focalisée sur la question de la production d’énergie renouvelable et le véritable puit de carbone que représente la biomasse des forêts et des cultures, et surtout celle de sols, a été largement oublié.
Ce document démontre pourtant le rôle majeur de l’écosystème naturel et cultivé dans la captation du carbone. Et les pratiques agricoles et sylvicoles peuvent permettre une plus grande captation du carbone mais aussi, comme cela a été le cas par le passé, peuvent à l’inverse induire une diminution du stock de carbone (déforestation, diminution du taux d’humus dans les sols cultivés, destruction des haies et des bosquets, déprise agricole au profit de l’urbanisation).
Ces questions ont certes été abordées à la marge dans la justification donnée dans certaines MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques). Mais il n’a pas été abordé la question essentielle de la dégradation du taux d’humus dans les sols et de la nécessité impérieuse d’inverser la tendance : pas seulement pour augmenter le stock de carbone mais aussi pour les effets sur la santé des sols, la biodiversité, la résilience des cultures, la réserve utile en eau, la réponse aux engrais….
Pour que la question soit abordée lors de la préparation de la PAC 2021-2027 qui a déjà commencé, et puis au-delà, pour que les professionnels agricoles puissent promouvoir des pratiques agricoles pouvant contribuer massivement à la lutte contre le réchauffement climatique, je propose au lecteur de lire ce document de l’ADEME, dont voici un résumé interprétatif personnel :
Selon l’Ademe, en France, les sols agricoles et forestiers (sur environ 80 % du territoire) séquestrent actuellement 4 à 5 Gt (milliards de tonnes) de carbone (15 à 18 Gt CO2) dont près d’un tiers dans la biomasse (arbres principalement) et plus des deux tiers dans les sols, et toute variation positive ou négative de ce stock influe sur les émissions nationales de gaz à effet de serre (GES), estimées à 0,5 Gt CO2 éq/an (valeur 2011). Le stock de carbone est différent selon l’occupation du sol : 35 tC/ha vigne ; 50 tC/ha vergers et cultures ; 80 tC/ha prairies et forêts.
L’atmosphère contient 829 Gt de carbone dont 240 proviendraient des activités humaines depuis le vdébut de l’ère industrielle (XIIIème siècle). Le flux annuel le plus important est enregistré au niveau des zones industrielles et urbaines avec 7,8 Gt auquel s’ajoute le flux lié au changement d’affectation des sols et à la déforestation pour 1,1 Gt. Ces émissions sont partiellement compensées par le bilan de la photosynthèse et de la respiration des végétaux ainsi que par la dissolution du carbone dans les océans pour 2,6 et 2,3 Gt respectivement. Au final, 4 Gt de carbone s’ajoutent dans l’atmosphère chaque année.
Cet ajout de 4 Gt de carbone pourrait être compensé par une captation de carbone générée par une augmentation de la biomasse de 0,2% : développent de pratiques agricoles visant à augmenter le taux d’humus dans le sol, irrigation pour augmenter les rendements, arrêt de la déforestation et de la mise en culture des prairies, exploitation forestière durable, reforestation des friches et réinstallation des haies, recyclage des déchets verts, végétalisation des espaces urbains…
C’est-à-dire inverser radicalement la tendance actuelle de diminution de la biomasse naturelle et cultivée. Cela aura des effets bénéfiques induits sur la qualité de la vie, sur la production alimentaire (et les rendements agricoles) et même éventuellement sur une diminution de l’aridité des écosystèmes. En effet une augmentation de la biomasse induit à la fois une meilleure captation des eaux de pluies par les sols permettant de mieux résister aux périodes sèches, et en conséquence une augmentation de l’évapotranspiration générant une plus grande nébulosité pouvant abonder les rosées et les pluies.
Le rétablissement puis la préservation des écosystèmes marins sont également des enjeux majeurs pour augmenter la biomasse marine et la captation du carbone par les océans.
Hugues JURICIC, ingénieur agronome
Givry, le 20 mars 2019
Télécharger le présent article. La biomasse naturelle et cultivée joue un rôle majeur dans la captation du carbone et la lutte contre le réchauffement climatique
Télécharger le document de l’ADEME. 7886_sol-carbone-2p-bd
Un document scientifique de référence est le rapport final de l’ESCO Expertise Scientifique Collective pilotée par l’INRA en 2002 Stocker du carbone dans les sols français
Un travail plus récente de l’INRA analyse l’efficience des actions possibles pour réduire les émissions de gaz à effets de serre (2013) Contribution Agriculture Française aux émissions de GES
Pour plus d’information il est également intéressant de voir les travaux du GIS Sol.
Le Groupement d’Intérêt scientifique Sol (GIS Sol) a été créé en France en 2001. Il regroupe l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF), le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (MEDDE), l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).